Le sentiment de la montagne (1)
Observer la nature ... dans quel but ?

Feuille 01
Feuille 01


Observer la nature ... dans quel but ?

«Celui qui cueille une fleur dérange une étoile». (Francis Thompson)

Si nous nous posons la question du but de l’observation de la nature, nous sommes contraints à nous demander de quelle façon nous abordons celle-ci aujourd’hui? Notre vision de la nature a t-elle vraiment changé depuis le XIXème siècle? Notre perception du monde ne se transforme pas au même rythme, ni de la même façon que le progrès des sciences. Comme le dit Gilles A. Tiberghien dans son ouvrage «Nature, Art, Paysage», ce que nous percevons n’a, d’une certaine façon, rien à voir avec ce que nous savons.

...Il est possible que l’homme n’ait pas encore mesuré complètement le bouleversement qu’introduit, dans notre rapport à la nature, la conscience toute nouvelle de sa disparition possible et l’idée que la mort, qui était jusque-là le fait de créatures au sein d’une totalité pérenne, puisse désormais menacer cette totalité même.
La pensée de la mort, présente au coeur de la nature, qui avait nourri pendant des siècles la mélancolie élégiaque, s’accuse durement dès lors que c’est la nature elle-même qui, peut-être, est entrée dans la mort et que, au coeur du paysage, se dresse, non plus seulement la tombe, mais le voile nucléaire
.(«L’idée de nature dans l’art contemporain»)

Théodore Monod, lorsqu’il parle de notre rapport à la nature, dit que nous prenons conscience de l’unicité du cosmos. Il y a tellement d’analogies entre ce qui se passe dans la nature et ce qui se passe entre les hommes, que la solidarité entre les êtres vivants devient évidente. Au contact de la nature, nous découvrons la solidarité qui nous lie au reste des êtres vivants et, par conséquent, la responsabilité que nous avons envers eux.

Théodore Monod nous apprend également que le but d’une réflexion approfondie au contact de la nature ne doit pas donner lieu à trop d’idéalisation. Trop idéaliser la nature n’est pas forcément bon car cela donne une fausse idée de ce qu’elle est réellement. On retrouve, au coeur de la relation Art et Nature, l’expérience existentielle fondamentale oscillant entre rêverie fusionnelle et conscience de la séparation. «Ne faire qu’un avec toutes les choses vivantes» opposé à «l’apprentissage de la distinction de ce qui nous entoure».

Finalement, vivre et créer au contact d’une nature authentique et sauvage, telle qu’elle était avant l’homme et telle qu’elle sera peut-être après lui, nous rappelle simplement notre vraie dimension dans l’ univers.
Vincent Prud'homme Nov.2017