Le sentiment de la montagne (2)
"Un peu d'histoire"

Herbes neige
Herbes neige

Un peu d'histoire ...

Depuis le début des annnées soixante, et dans le contexte plus général de remise en question des musées et des galeries, bon nombre d’artistes ont choisi d’intervenir dans la nature, fascinés par les qualités plastiques qu’elle pouvait offrir.

La terre, mais aussi l’eau, le vent ou le feu sont devenus les partenaires actifs d’un processus de production artistique. Les premières œuvres majeures naissent dans les déserts du sud-ouest des Etats-Unis: Nevada, Utah, Nouveau Mexique à une époque qui permettait encore les
les plus hardies. En effet, les réalisations de M. Heizer, W. De Maria, ou encore Christo, nécessitaient des coûts financiers exorbitants compte tenu de l’éloignement des sites et des soutiens logistiques indispen- sables à leur mise en place.
Ces projets étaient alors pharaoniques et les seules préocupations des artistes concernaient les propriétés physiques, l’im- pact, le volume, la masse et l’espace.

Le corps comme outil
Tandis que ces artistes américains creusaient la terre à coup de pelleteuse, bon nombre d’artistes anglais comme R. Long ou Hamish Fulton, arpentaient la nature et enregistraient les bruits des animaux, les chants des oiseaux ou les sifflements du vent.
C’est essentiellement en Angleterre que le mouvement de sortie de l’atelier se traduit par une pratique systématique et passionnée de la marche. Celle-ci, dans le paysage anglais, devient alors une forme d’art. Long et Fulton, promeneurs solitaires se donnent d’ordinaire un certain proto- cole, une sorte de contrat préalable qui peut porter sur la distance, la durée, la forme de la randonnée.

Il est possible de citer un bel exemple d’une marche de Fulton, longue d’une nuit entière, où l’artiste se contraignit à reproduire, dans le dessin de sa promenade, la forme allongée d’un nuage qui bordait la lande sur laquelle il avançait. L’expérience existentielle suscitée par la marche prend ici une dimension romantique, dans la tradition picturale anglaise. Le corps se trouve être le principal instrument de l’artiste par lequel il prend la mesure du monde.

Dans les années soixante-dix, Nils-Udo construit dans la forêt un immense nid de branchage au fond duquel il est photographié nu et recroquevillé. Image d’une nature volontairement maternante, se conjuguant étrangement avec un violent sentiment de déréliction (état d’abandon et de solitude morale complè- te). Charles Simonds, un autre artiste à cette même époque, se recouvre de boue et réalise une séquence photographique de son extraction hors de cette gangue de terre. Dans ce cas précis, l’image du corps est extrêmement importante et prégnante.
Vincent Prud'homme Nov. 2017